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La Science-fiction est-elle à l’origine des soucoupes volantes ? Empty

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La Science-fiction est-elle à l’origine des soucoupes volantes ? Empty La Science-fiction est-elle à l’origine des soucoupes volantes ?

Jeu 03 Déc 2009, 18:39
La Science-fiction et les Soucoupes volantes

De nombreux sceptiques utilisent toujours cet argument pour discréditer le phénomène ovni. Ils croient bon d'affirmer que les films de science-fiction sont à l'origine du phénomène dans son ensemble. En réalité tout cela n'est qu'une explication pathétique de plus à mettre à l'actif des mouvements pseudo rationalistes. Ce sont essentiellement les ovnis qui ont inspiré la science-fiction et non l’inverse. Si les ovnis n'existaient pas, Steven Spielberg qui s'est inspiré des ovnis pour ses films, ne serait probablement pas aussi célèbre aujourd'hui.



 "Les témoins d'ovnis ont-ils trop lu de science-fiction? ”

S'il y a une idée difficile à faire accepter, c'est bien celle selon laquelle, de nos jours, des gens seraient isolés de la culture populaire, comme la S-F. Avant que les soucoupes n'envahissent le ciel des Etats-Unis en 1947, les kiosques étaient remplis de pulps et de comics aux couleurs criardes. Dans Les Temps modernes d'août-septembre 1946, un an avant les premiers débats sur les soucoupes volantes, Jean-Paul Sartre évoque “ ces cent millions d'Américains qui trompent chaque jour leur immense besoin de merveilleux, en lisant, dans les Comics, les aventures de Superman, de Wonderwoman et de Mandrake le magicien. ” Pour des intellectuels comme Sartre, la culture populaire ne peut être que perçue comme négative. Au moment de la vague de soucoupes de l'automne 1954 en France, le film de George Pal La Guerre des mondes sortait sur les écrans et les quotidiens publiaient des bandes dessinées de science-fiction. Dès 1951, l'astronome Evry Schatzman avait combattu dans un même article cet impérialisme américain qui se manifestait à travers les soucoupes et la science-fiction. “ Il est un genre littéraire (?) populaire aux Etats-Unis : “ Science Fiction ”, romans pseudo-scientifiques, où le crime, la soumission des races faibles par des races fortes, l'esclavage, la guerre de système planétaire à système planétaire repose sur d'extravagantes suppositions, la possibilité de dépasser la vitesse de la lumière, des forces mystérieuses et envahissantes de vie, l'existence d'une matière “ contraterrène ”, etc… Ces histoires, d'une grande indigence intellectuelle, où le roman d'aventure le plus vulgaire est renouvelé par les prétentions “ scientifiques ”, sont lues par des millions de jeunes gens en Amérique. MM. Heard, Keyhoe, Scully [auteurs des premiers livres sur les soucoupes], ont trop lu de “ Science Fiction ” avant de commettre leurs malhonnêtetés intellectuelles. ”

 La discussion sur les soucoupes volantes se trouve prise entre les bornes de cette alternative : tandis que les “ sceptiques ” liquident les soucoupes en les réduisant à des influences culturelles, les partisans des ovnis tentent de montrer que cette influence ne s'exerce pas, que les témoins ne lisaient pas de science-fiction. Malheureusement, à notre époque, on ne peut plus croire qu'il existe encore des gens qui n'ont jamais entendu parler de science-fiction et de soucoupes volantes. Doit-on donc se résoudre à conclure que les observations d'ovnis ne sont rien d'autres que des méprises déformées par des stéréotypes culturels ? Peut-on établir que, dans certains cas, les témoins n'en ont pas lu et ont décrit fidélement les faits ? Malheureusement, en posant de telles questions, les “ sceptiques ” et les “ croyants ” font fausse route. Ils sont en désaccord sur la réponse mais ils s'entendent sur la question. Or, le problème ce n'est pas dans la réponse mais bien dans la question. En effet, s'il est indéniable que les témoins connaissent, même de loin, les thèmes véhiculés par une culture populaire comme la S-F, on peut se demander si son influence s'exerce comme le croient “ croyants ” et “ sceptiques ”. Ce qu'il faut contester, c'est la théorie selon laquelle certains phénomènes, comme les soucoupes volantes, seraient le résultat de perceptions influencées par le contexte social et culturel. Mais il faut le faire sans nier l'existence et l'importance de cette culture et en redéfinissant plutôt sa place et sa fonction. En effet, telle qu'elle est formulée, la théorie de l'influence culturelle pose deux problèmes : d'abord, cette théorie se concentre sur les faits dits non scientifiques et exclue les faits scientifiques de l'analyse sociale. Elle oblige à se cantonner à une sociologie de l'erreur : seules les soucoupes seraient le résultat de cette influence et pas les faits scientifiques supposés être immunisés contre cette influence. Ensuite, cette théorie interdit de reconnaître aux témoins et aux passionnés d'ovnis la possibilité d'être leur propre sociologue (pour la sociologie, il faudrait des experts, seuls à même d'avoir suffisamment de recul). Alors que les scientifiques et les membres de la culture savante sont des acteurs qui dévoilent le réel ou le produisent, les témoins de SV et autres amateurs de parascience sont des éponges culturelles qui se laissent porter par le courant et gobent sans rien y comprendre des formes simplifiées de la culture savante transformée en culture populaire. Malheureusement pour cette théorie, les faits scientifiques ne sont pas hors de la culture et les témoins sont eux aussi de bons sociologues. Avec pour résultat de démontrer que l'explication culturelle s'applique bien aux soucoupes mais que cela ne permet pas de conclure à leur inexistence.



(Extrait d'un article de Pierre Lagrange en juillet 2000 consultable ici)

Certains chercheurs nie simplement tout lien entre Science-Fiction et ovnis. Jacques Vallée par exemple, indique :

"Il pourrait, ou ne pourrait pas, être intéressant de remarquer ici que la période "morte" de l'activité ovni a été une des plus riches pour les histoires de science-fiction de tous types, et a vu l'intérêt grandissant de l'industrie du cinéma pour les récits fantastiques et d'"horreur" qui auraient pu déboucher sur un nombre croissant de canulars et d'hallucinations, et même de vagues d'ovnis, si la théorie "psychologique" des ovnis était exacte."

Dès 1916, le film Homunculus de de Otto Ripert traitait de la création d'un homme artificiel par un savant fou. En 1914 et en 1920 l'industrie allemande produisit 2 films sur le sujet du "golem" (Paul Wegener et Henrik Galeen). En 1924 le film Les mains d'Orlac est réalisé, après une nouvelle de Maurice Renard. En 1926 Fritz Lang crée Metropolis, et nous ne devrions pas oublier que 1920 a vu l'introduction du mot "robot", avec une pièce de Karel Capeck, Rossum's Universal Robots (R.U.R.). En 1928, Fritz Lang sort La Femme sur la Lune (Die Frau im Mond). Le premier "voyage sur la Lune" a été fait par le pionnier français Méliès en 1902, et les célèbres Frankenstein et John Carter de Mars furent créés durant cette période. Si les observations d'ovnis étaient motivées par un mécanisme par lequel le public peut diffuser des peurs cachées et satisfaire un besoin de contes horribles et fantastiques, pourquoi les "vagues de soucoupes" n'ont pas coïncidé avec de tels exploits de science-fiction comme l'adaptation radio par Orson Welles de La Guerre des Mondes en 1938 ou avec la belle époque des grandes bandes-dessinées et de leurs versions cinématographiques, comme Flash Gordon (Frederick Stephani, 1936), ou Le Voyage sur Mars de Flash Gordon (1937) ?"


Une idée très répandue : la « psychose de l’ovni »

Un article de Gildas Bourdais datant d'avril 2008

La Science-fiction est-elle à l’origine des soucoupes volantes ?

L’idée que la science-fiction aurait engendré la «croyance » aux soucoupes volantes a été souvent avancée par les sceptiques. Elle s’appuie, évidemment, sur l’abondante littérature populaire qui a exploité sans vergogne le thème des envahisseurs extraterrestres, venus à bord de leurs soucoupes.

Elle a été formulée, soit de manière radicale chez les sceptiques purs et durs (« les soucoupes sont nées de la S.-F. »), soit de manière plus nuancée, en laissant éventuellement la porte ouverte à diverses hypothèses, mais qui excluaient généralement une origine extraterrestre. C’est un point commun à toutes ces opinions - Cachez ces « ET » que je ne saurais voir ! – mais n’ouvrons pas ici ce vaste débat sur la nature des ovnis. Contentons-nous d’examiner quelques arguments d’ordre psychologique mis en avant pour les « expliquer ».

Outre l’influence de la science-fiction, les sceptiques ont proposé plusieurs explications « psycho-sociologiques », telles que la tension des débuts de la guerre froide, ou la crainte d’un futur angoissant provoquée par la bombe atomique. Certains ont supposé qu’il pouvait s’agir d’engins secrets américains, ou soviétiques, comme dans l’observation célèbre de Kenneth Arnold, de neuf « soucoupes » passant devant le mont Rainier (lesquelles n’avaient pas vraiment la forme de soucoupes, fait-on finement remarquer), mais on sait aujourd’hui que de tels appareils n’existaient pas. Cette idée trouve encore quelques défenseurs aujourd’hui, mais oublions-là.


Une couverture du magazine américain Imagination. Science-fiction (1955)

L’idée d’une angoisse, peut-être diffuse et encore inconsciente, née des débuts de la guerre froide et de la crainte des armes atomiques, qui aurait suscité des hallucinations collectives, mérite que l’on s’y arrête un moment. Historiquement, la crainte de la guerre nucléaire apparaît déjà chez H.-G. Wells dans son livre The World Set Free paru en 1914, juste avant la première guerre mondiale. Elle est aussi présente, mais rarement, dans l’entre-deux guerres, par exemple dans un roman de Karel Capek, La fabrique d’absolu (1927). On la trouve aussi dans des nouvelles de Robert Heinlein et de Lester del Rey, dès les années 1941, 42. Et nous voici enfin en 1947, « l’année des soucoupes ». Dans le roman Et la foudre et les roses, de Theodore Sturgeon, les Etats-Unis sont ravagés par une guerre nucléaire. On trouve donc, en cherchant bien, ce thème dans la science-fiction de l’époque. Cependant, la peur de la guerre atomique ne prendra de l’importance que dans les années 50, avec l’intensification de la guerre froide et le développement des arsenaux nucléaires. En 1947, les Américains n’ont pas encore lieu de craindre l’arme atomique puisqu’ils vont en détenir le monopole jusqu’en 1949. A ce moment, la guerre froide n’a pas encore vraiment commencé. C’est au début de l’été de 1947 que le Président Harry Truman propose le plan Marshall à l’Europe, y compris à l’URSS, et celle-ci ne le refusera qu’à la fin de l’été. Pas de quoi provoquer des hallucinations collectives d’envahissement par des soucoupes soviétiques ! Les Américains, comme les Européens, sont confiants dans l’avenir et surtout occupés à développer rapidement leur économie.

L’autre argument psycho-sociologique qui vient naturellement à l’esprit, c’est la crainte d’un futur inquiétant, et en particulier d’une invasion par de dangereux extraterrestres, courante dans la S.-F., dont l’archétype est le fameux roman La Guerre des mondes de Herbert G. Wells. C’est sur ce terrain, peut-on penser, que jouerait l’influence de la science-fiction. Mais une telle crainte était-elle si répandue qu’elle puisse provoquer soudainement une hallucination collective massive de visions de soucoupes ? Signalons un sondage d’opinion sur les soucoupes volantes réalisé aux Etats-Unis en août 1947 par l’institut Gallup, un mois après la vague médiatisée de juin-juillet. L’hypothèse de leur origine extraterrestre ne figurait même pas dans la batterie des questions posées ! Elle était dissoute dans une catégorie résiduelle d’ « autres causes » qui n’obtenait, globalement, que 9% des suffrages. Là non plus, pas d’hystérie collective sur une invasion extraterrestre, semble-t-il. Il est vrai que ce sondage était bien dans la ligne officielle mise en place dès juillet, pour écarter cette idée dans l’opinion. Ah, ces sondages «scientifiques » et indépendants !

Voici un texte qui est un condensé, caricatural mais typique, de toutes ces idées, paru dans le livre Ze Craignos Monsters. Le retour, de Jean-Pierre Putters (Editions Vent d’Ouest, 1995) en chapeau de son chapitre « L’invasion des extraterrestres » : « Vers la fin des années quarante (comptez à peu près un bon demi-siècle avant Jacques Pradel…) la psychose de l’ovni s’emparait du Monde. Des soucoupes parcouraient le ciel, Welles terrifiait la population avec son adaptation de La Guerre des Mondes déguisée en flash d’actualité. Mars redevenait le Dieu de la Guerre. Voyez l’image. C’était la panique. Chronique d’une visite annoncée ».

Trève de plaisanterie, on peut débattre sans fin de tels facteurs, mais il devrait au moins être possible de trancher facilement sur l’influence de la science-fiction. Revenons à ce début d’été 1947, quand se produit la première grande vague historique d’observations de soucoupes volantes aux Etats-Unis. La donnée principale de cette vague elle qu’elle se produisit soudainement et massivement. En quelques jours, la presse locale, puis régionale et finalement nationale, se fit l’écho d’une multitude de témoignages, d’abord dans l’Ouest, puis dans d’autres régions de l’Amérique du Nord, y compris au Canada. Et cela sans que l’on constate le moindre affolement de la population. Il y avait bien eu quelques observations analogues au cours des mois précédents, mais elles étaient en très petit nombre, et nullement médiatisées. Elles ne pouvaient donc avoir provoqué un hypothétique phénomène d’emballement médiatique.

La réalité de cette vague est attestée par des documents militaires de l’époque, dont le plus connu est la lettre du général Twining, alors secrète mais rendue publique en 1969. Le 23 septembre 1947, le général Nathan Twining, patron des services techniques de l’armée de l’Air américaine (et futur chef d’état-major des armées), écrivait une lettre au général George Schulgen, chef adjoint des services renseignement aérien au Pentagone, dans laquelle il confirmait la réalité de ces mystérieuses soucoupes volantes : « a) Le phénomène rapporté est quelque chose de réel, qui n’est ni visionnaire ni fictif ;

b) ces objets, ayant probablement la forme d’un disque, sont de dimensions comparables à celles d’un avion de conception humaine. »

Le général Twining évoquait ensuite, notamment, leur vitesse ascensionnelle très élevée, leur manœuvrabilité, particulièrement en tonneau, et certaines « manœuvres d’évasion » lorsque ces objets étaient repérés par les avions et les radars, évoquant la possibilité que certains soient contrôlés, soit manuellement, soit automatiquement ou à distance. Suivait une description précise des mystérieux engins : surface métallique ou réfléchissant la lumière ; absence de traînée, sauf dans quelques rares cas où l’objet semblait opérer dans des conditions de hautes performances ; forme circulaire ou elliptique, avec un fond plat et un dôme sur le dessus ; selon plusieurs rapports, « vols en formation bien tenue », réunissant de trois à neuf objets.

Alors, quel fut le facteur déclencheur de cette vague ? N’est-ce pas, tout simplement, que tous ces témoins virent effectivement ces mystérieuses soucoupes ? Mais posons-nous tout de même la question : est-ce que ces gens lisaient trop de magazines de science-fiction, assez populaires à l’époque ? Il aurait fallu, au moins, qu’ils fussent remplis d’images inquiétantes de soucoupes volantes. Or il n’en était rien, ou presque.

Avant 1947, beaucoup de fusées et peu de soucoupes dans la science-fiction


A l’époque, les bandes dessinées et les films de science-fiction étaient pleins de belles fusées avec des ailerons profilés : en voici deux exemples, de mars et avril 1947, donc juste avant la grande vague des soucoupes de juin-juillet.



Les belles fusées des magazines américains, juste avant l’irruption des « soucoupes volantes », en juin 1947 : couvertures de magazines de mars 1947 et avril 1947.



Les belles fusées de Flash Gordon, dessinées par Alex Raymond dans les années 30

On s’intéressait surtout aux fusées et aux perspectives qu’elles ouvraient de conquête de l’espace, comme dans les livres de vulgarisation de Willy Ley : Rockets (1944) et The Coming Age of the Rocket Power (1945). C’est aussi l’époque des premiers essais, à White Sands, de fusées V2 prises aux Allemands à la fin de la guerre. Alors, les soucoupes dans la S.-F. ? Eh bien, elles commencent à apparaître, comme par hasard, au début des années 50, dans la foulée des premières vagues d’ovnis.



Une vraie fusée : la V-2 allemande, testée après la guerre à White Sands, au Nouveau-Mexique (US Army) ; future fusée lunaire selon Willy Ley dans son livre La conquête de l’espace (1949)

Les partisans de la thèse de la S.-F. à l’origine des soucoupes ont fouillé dans les archives de la S.-F. américaine et ont bien trouvé, dans le foisonnement des publications des années 30 et 40, ou même antérieures, quelques rares engins volants ressemblant plus ou moins à des soucoupes, dont ils ont fait des sortes d’archétypes dans le subconscient des gens qui se seraient mis soudainement à en voir partout. Ainsi, Michel Meurger, défenseur bien connu de cette théorie, a illustré son article « Qui a inventé les soucoupes volantes ?» (Ciel et Espace, avril 1996, avec Serge Lehman) avec une image de soucoupe parue en couverture du magazine Science Wonder Stories en 1929 !


Article de Michel Meurger avec couverture de Science Wonder Stories, (novembre 1929).

En y regardant de plus près, on constate une prolifération de modèles différents d’engins spatiaux, dans la science-fiction. Par exemple, dans les bandes dessinées de Brick Bradford (Luc Bradefer, en France), populaires à l’époque, le héros voyageait à bord d’un engin en forme de montgolfière, or personne n’a vu de montgolfière lors de la vague des soucoupes. En revanche, on a aussi observé, en 1947 et au cours des années suivantes, des cigares et des sphères, comme dans la S.-F. Mais, répétons-le, dans celle-ci la forme « soucoupe » est assez marginale, contrairement à la vague de 1947.

Il faut mentionner ici un livre intéressant de Bertrand Méheust, Science-fiction et soucoupes volantes, publié d’abord en 1978 (Mercure de France), qui vient d’être republié en mai 2008 (Terre de brume), avec une nouvelle introduction de l’auteur. Méheust affirme, avec de nombreux exemples à l’appui, que toutes les histoires de soucoupes existaient déjà dans la science-fiction d’avant 1947, y compris les récits d’enlèvements qui sont apparues bien plus tard. Peut-on en conclure, comme beaucoup l’ont fait, que les soucoupes sont nées de la S.-F. ? D’abord, nous venons de voir que la vague de « soucoupes volantes » de 1947, attestée par des documents militaires de l’époque, était bien réelle, et n’avait donc rien à voir avec une quelconque influence de la science-fiction. Cependant, il faut reconnaître qu’un certains nombre de récits de fiction antérieurs à cette vague, ressemblent jusqu’à un certain point, à des récits d’observation d’ovnis apparus depuis lors. On peut admettre qu’il y a là un phénomène troublant. Dans la nouvelle édition, Méheust finit par admettre qu’il y pourrait bien y avoir des cas crédibles d’observations d’ovnis, qu’il surnomme des « choses intentionnelles ». Mais alors, leur ressemblance avec des récits de science-fiction constituent selon lui une énigme, un « puits sans fond ». A cette idée, il me semble possible de faire une objection de fond. Si, comme je le crois avec beaucoup d’autres, il y a une longue histoire de visions et d’apparitions célestes de toutes sortes, et pas seulement dans le domaine des religions – les historiens romains mentionnaient déjà des apparitions d’ovnis - alors il n’est pas surprenant que ces apparitions aient laissé des traces, notamment dans les légendes et le folklore, et de nos jours jusque dans la science-fiction. Méheust est bien conscient de cet argument et il s’emploie à le minorer, mais il n’arrive pas à l’éliminer complètement. Ainsi l’énigme n’est peut-être pas si profonde que cela !


L’histoire la plus célèbre d’envahisseurs extraterrestres, est le roman La guerre des Mondes de Herbert G. Wells, dont l’adaptation radiophonique d’Orson Welles (à ne pas confondre avec Wells) avait provoqué une panique en 1938 (c’est attesté par les articles de de journaux de l’époque). Cette histoire mettait en scène des Martiens à bord d’engins tripodes qui n’avaient encore rien à voir avec les soucoupes. Ce n’est que plus tard, avec le film du même nom tourné en 1953, qu’ils vont prendre une forme « soucoupique », qui devient à la mode, à cette époque, dans la science-fiction.




Deux illustrations de La Guerre des mondes : Amazing Stories de 1927, et affiche du film «modernisé » de 1953

L’adoption des soucoupes volantes par la science-fiction

Il y a toujours eu des frictions entre amateurs d’ovnis et amateurs de science-fiction. Stan Barets, spécialiste de la science-fiction, résume ainsi, avec humour, l’incompréhension qui perdure entre les amateurs des deux bords : « Ne parlez pas de soucoupes volantes à un écrivain de S.-F., il vous répondra que lui, il essaie d’écrire des choses sérieuses et intelligentes. Ne parlez pas de science-fiction à un ufologue, il vous répondra que lui, il essaie d’écrire des choses sérieuses et intelligentes. Bref il y a malaise. » (Le science-fictionnaire, tome 2, page 238). En fait, les ufologues aiment bien la science-fiction, mais ce sont eux qui se font traiter de haut par les « science-fictionnaires », toujours soucieux de reconnaissance littéraire. Le résultat est qu’il y a peu de romans de S.-F. « sérieux » mettant en scène ces mystérieux ovnis. En revanche, les magazines populaires, le cinéma, et plus encore la télévision, qui se moquent de la reconnaissance littéraire mais pas du « box-office », ont pillé sans vergogne, pour leur plus grand profit, cette mine d’or qu’était pour eux la thématique des ovnis, accumulée pendant des années par d’obscurs « ufologues » bénévoles. Oui, il y a des gens qui ont gagné beaucoup d’argent avec les ovnis. Parfois des auteurs de livres, mais surtout des producteurs de cinéma et de télévision. Dans les magazines populaires, les beaux jours de soucoupes commencent dès la fin des années 40, et elles seront encore populaires jusque dans les années 70.




Couvertures de magazines de SF des années 50 : Galaxy, 1951, et Imagination, 1957


C’est au début des années 50 que les soucoupes volantes font leur apparition dans le cinéma américain, avec le film The Flying Saucer, bien oublié aujourd’hui.



Affiche du film The Flying Saucer (1950)

Puis le thème se répand rapidement, notamment celui de la soucoupe accidentée ! Celui-ci ne vient pas de l’incident de Roswell, qui ne fit qu’une brève apparition dans la presse des 8 et 9 juillet 1947, mais plutôt le livre à succès de Franck Scully, Behind the Flying Saucers , paru en 1950, qui prétendait révéler plusieurs accidents de soucoupes, récupérées par l’armée dans le plus grand secret. Le thème de la soucoupe écrasée est exploité dès l’année suivante au cinéma, avec La chose d’un autre monde (The Thing From Another World), film produit par un cinéaste réputé, Howard Hawks (et tourné par Christian Nyby), en 1951. Des militaires américains découvrent une soucoupe volante accidentée, non pas dans le désert du Nouveau-Mexique, comme dans l’affaire de Roswell, mais enfouie dans les glaces du Groenland. Ils y trouvent un extraterrestre gelé, qu’ils dégèlent joyeusement, mais ce n’était pas une bonne idée car il s’avère être sanguinaire et va semer la terreur dans leur campement. Mauvais début pour les « ET » au cinéma !



Le film La chose d’un autre monde (1951)

En fait, ce thème de l’accident de soucoupe fut discrédité rapidement lorsqu’un journaliste révéla, en 1952, que le livre de Scully reposait sur de fausses informations fournies par un escroc, Silas Newton. Un magazine en fit alors une couverture plutôt drôle et sexy, montrant une pin-up qui sauvait dans ses bras un petit homme vert avec des tentacules ! (Elle ne craignait pas les bactéries ET, comme les chirurgiens masqués dans le trop célèbre film de l’autopsie de 1995). Incidemment, c’est cette illustration ridicule qu’a choisie Pierre Lagrange comme couverture pour la version française du livre de Karl Pflock censé déboulonner Roswell, parue en France en 2007…


Startling Stories (juin 1952)

Un autre film célèbre de l’époque, Le jour où la Terre s’arrêta (The Day the Earth Stood Still), réalisé par Robert Wise en 1951, nous conte l’histoire d’un visiteur cosmique pacifiste, Klatoo, d’apparence parfaitement humaine mais épaulé par son fidèle et puissant robot Gort (qui va lui sauver la vie, face à des humains agressifs).


Film Le jour où la Terre s’arrêta (1951)